Toutes nos envies voir ce film 1080p

"Toutes nos envies". le poids du malheur

On a cru à Vincent Lindon en maître nageur dépressif dans "Welcome". Même réalisateur, même acteur, mais Vincent Lindon en magistrat dans "Toutes nos envies" (lointainement inspiré du livre d'Emmanuel Carrère, "D'autres vies que la mienne") ne convainc pas. Au contact d'une double réalité pénible (la maladie, la pauvreté), la fiction tourne au mélodrame. La sensibilité du réalisateur et de ses interprètes n'arrivent pas à dissiper cette sensation de surcharge émotionnelle.

Le Monde | 08.11.2011 à 14h41 • Mis à jour le 08.11.2011 à 14h41 | Par Thomas Sotinel

C'est une question de foi. On a cru en Vincent Lindon, maître nageur sorti de son isolement par un immigré irakien qui veut traverser la Manche. Philippe Lioret, metteur en scène de Welcome. nous propose Vincent Lindon en magistrat qui veut combler d'un peu de justice le fossé qui sépare les riches et les pauvres. Même réalisateur, même acteur, même générosité, et pourtant Toutes nos envies n'impose pas sa vérité. On n'y croit pas. Pas tout à fait en tout cas.

Vincent Lindon n'a pas le premier rôle dans Toutes nos envies. Il revient à Marie Gillain qui incarne Claire, une jeune juge du tribunal de Lyon. Elle s'occupe d'affaires de surendettement et un jour comparaît devant elle la mère d'une camarade de classe de sa petite fille. Claire tord si bien les textes et la jurisprudence qu'elle soustrait pour un temps au moins Céline (Amandine Dewasmes) à la menace de l'expulsion. Mais ce tour de passe-passe juridique risque de ne pas tenir face aux recours des société s de crédit, et la magistrate fait appel à un collègue, Stéphane (Vincent Lindon) afin de mettre au point une stratégie qui permettrait de l'emporter en appel et en cassation. En attendant, Claire recueille chez elle Céline et ses enfants, soutenue par un mari compréhensif (Yannick Rénier).

Dans le même temps, la jeune juge apprend qu'elle est atteinte d'une tumeur incurable au cerveau. La conjonction de ces deux malheurs, celui, diffus et collectif, de la pauvreté, et celui, circonscrit et imparable, de la maladie qui frappe Claire n'a rien de particulièrement invraisemblable. C'est pourtant trop pour le film.

Depuis Love Story. on a assez moqué ces tumeurs qui évitent soigneusement de toucher à la beauté des actrices, jusque dans leurs derniers jours. Marie Gillain n'a certes pas bonne mine, mais il n'est pas question de dégradation physique. ni des aspects les moins ragoûtants de la souffrance. Il en va un peu de même pour la pauvreté de Céline qui reste toujours très présentable.

Il ne s'agit pas de moquer le projet de Philippe Lioret. On se doute bien qu'il a tenu à préserver les comédiennes pour garantir la dignité des personnages. Ce joli souci a pour conséquence malheureuse d'affaiblir le film, de le ramener malgré lui dans les rangs d'innombrables mélodrames que l'on a vus sur les écrans, grands ou petits.

Le scénario de Toutes nos envies. écrit par Philippe Lioret et Emmanuel Courcol, est inspiré du livre d'Emmanuel Carrère, D'autres vies que la mienne. Ce récit offrait à des vies vécues la possibilité de se retrouver sur les pages d'un livre, comme celles de personnages de fiction. Espèce de Charon sur sa barque, le romancier faisait faire à ses personnages (qui étaient aussi ses parents, ses amis) d'incessants allers-retours entre ces formes harmonieuses que la fiction impose aux événements les plus cruels et le désordre insensé de la vraie vie.

Dans Toutes nos envies. les éléments empruntés au livre de Carrère - les deux magistrats, l'endettement, la maladie, la vie loin de Paris - ont tous été rapatriés définitivement sur la rive de l'imaginaire. Pour le pire souvent, parce qu'on ne peut que remarquer les effets dramatiques appuyés, les libertés prises avec la vraisemblance (la rapidité des procédures judiciaires, contraintes par le scénario de s'adapter au rythme d'un cancer foudroyant) et les efforts vains des comédiens pour échapper à certaines situations programmées.

Pour le meilleur aussi, parce que Philippe Lioret sait toujours tenir la chronique des intimités familiales ou conjugales, parce que son regard reste délicat et qu'il peut toujours compter sur la présence massive et rassurante de Vincent Lindon.

Film français de Philippe Lioret avec Marie Gillain, Vincent Lindon, Amandine Dewasmes, Yannick Rénier.(2 heures.)

L'avis du "Monde"